Une revue systématique de l’efficacité et de la sécurité de la chloroquine pour le traitement du COVID-19
Donald Trump a annoncé hier lors d’une conférence de presse que la chloroquine avait été approuvée pour le traitement du COVID-19 aux États-Unis. La chloroquine est un médicament largement commercialisé pour traiter le paludisme, ainsi que des maladies auto-immunes comme le lupus et la polyarthrite rhumatoïde. Elle a l’avantage d’être un traitement utilisé depuis longtemps, reconnu comme sûr – en tout cas dans ses usages thérapeutiques actuels, et peu coûteux à produire.
L’annonce de Trump a été démentie en partie par le directeur de la Food and Drug Administration, qui a précisé que l’institution était effectivement en train de se pencher activement sur le lancement d’essais cliniques ; mais qu’un traitement à grande échelle des patients ne pourrait pas démarrer avant d’avoir obtenu davantage de certitudes scientifiques sur la chloroquine.
L’état actuel des connaissances sur les effets de la chloroquine sur le COVID-19 est résumé dans une revue systématique publiée il y a quelques jours dans le Journal of Critical Care. Les auteurs ont identifié 23 essais cliniques en cours en Chine pour tester l’efficacité et la sécurité de la chloroquine, et ont également étudié plusieurs avis scientifiques publiés dans différents pays.
Selon un premier article publié dès le 4 février par une équipe de recherche chinoise, la chloroquine semble avoir un effet très efficace dans la réduction de la réplication du virus.
Toujours en Chine, un avis hospitalier fait état d’une « efficacité marquée et d’une sécurité acceptable de la chloroquine dans le traitement du COVID-19 », lors d’essais incluant « plus de 100 patients » ; les auteurs de la revue systématique n’ont toutefois pas trouvé de trace de ces essais dans les registres officiels.
Un éditorial de trois chercheurs français souligne l’efficacité historique de la chloroquine comme antiviral, y compris contre le SRAS ; mais aussi et surtout l’équilibre efficacité-coût du traitement, qui le rendrait accessible à de nombreux pays aux systèmes de santé peu développés et en manque de ressources financières.
Des panels de chercheurs chinois, néerlandais, et italiens, ont publié des avis recommandant l’usage du médicament pour traiter les formes bénignes, modérées et graves de pneumonies liées au SARS-CoV-2.
Les 23 essais cliniques lancés en Chine témoignent d’un effort intense pour identifier les traitements efficaces contre le COVID-19. Les auteurs s’inquiètent toutefois du manque de coordination de ces expérimentations, et notent que l’Organisation mondiale de la santé a publié un protocole standardisé pour la réalisation d’essais randomisés contrôlés dans le cadre de la pandémie.
Si ces essais cliniques s'avèrent concluants, un débat éthique émergera inévitablement quant à l'urgence de passer des tests aux applications. L’administration de la chloroquine doit-elle rester expérimentale tant que toutes les autorisations nécessaires n’ont pas été accordées ? Ou, dans ce contexte inédit, est-il éthiquement justifiable d’utiliser le meilleur traitement disponible sans attendre ?
Les auteurs de l’article penchent pour une priorisation de la recherche sur ce médicament par rapport à d’autres études de plus long terme, mais soulignent le besoin primordial de suivre les règles éthiques en vigueur et préserver la sécurité des patients. Il est également essentiel de ne pas vider les stocks de chloroquine, qui reste par ailleurs un traitement utilisé quotidiennement contre le paludisme, qui tue entre 438 000 et 620 000 personnes par an dans le monde.
Article original
A systematic review on the efficacy and safety of chloroquine for the treatment of COVID-19
Auteurs
Andrea Cortegiani, Giulia Ingoglia, Mariachiara Ippolito, Antonino Giarratano, Sharon Einav