Le nombre important d'infections non identifiées facilite la dissémination rapide du coronavirus
Cet article se concentre sur les cas non identifiés de SARS-CoV2 en Chine. Cette estimation est importante car en l’absence de symptôme dans des cas bénins de la maladie, la part de cas non identifiés et leur infectiosité peuvent avoir des conséquences majeures sur la propagation de l’épidémie dans une population.
L’équipe de recherche a modélisé les dynamiques d’infection dans 375 villes chinoises, pendant deux périodes, avant et après les restrictions appliquées par le gouvernement chinois. Des données de mobilité provenant de Tencent et Baidu ont notamment été utilisées pour simuler les déplacements de population.
Les infections peuvent être divisées en deux catégories simples :
Les infections identifiées (qui ont fait l’objet d’un test, dont le résultat était positif) ;
Les infections non identifiées (symptomatiques ou asymptomatiques, mais qui en tout cas n’ont pas été testées et confirmées).
Les résultats majeurs concernent l’importance des cas non identifiés dans la propagation du virus entre le 10 et le 23 janvier :
Seules 14 % des infections auraient été identifiées et confirmées. 86 % des infections n’auraient donc pas été identifiées ; un résultat cohérent avec les taux constatés lors des tests parmi les ressortissants étrangers évacués de Wuhan.
Ces cas non identifiés seraient entre 46 % et 62 % aussi contagieux que les cas identifiés.
Entre 82 % et 90 % de toutes les infections seraient dues à une contagion par un cas non identifié.
Les auteurs notent que ces chiffres ne peuvent pas être appliqués directement à d’autres pays, car de nombreux paramètres (dont les efforts d’identification, de test, et de contrôle de l’épidémie) peuvent varier.
Cette méthode permet de plus aux auteurs d’estimer :
le taux de reproduction de base (R0) entre 2,0 et 2,8, un résultat similaire aux autres estimations faites depuis le début de l’épidémie ;
la période de latence (temps entre l’infection d’une personne et le moment où elle devient contagieuse) à 3,7 jours ;
la période infectieuse (temps pendant lequel elle reste contagieuse) à 3,5 jours ;
À partir de ces résultats, les chercheurs ont simulé la propagation du virus si tous ces cas non identifiés n’avaient pas été contagieux. Selon leur modélisation, le nombre total de cas identifiés aurait été réduit de 79 %, indiquant qu’une très grande part de la propagation de l’épidémie en Chine aurait été liée à ces malades « invisibles ».
Ces résultats ont ensuite été recalculés pour la période du 24 janvier au 8 février, après la restriction des voyages entre les grandes villes et Wuhan, la quarantaine des cas suspectés, l’augmentation substantielle des tests, la conscience accrue de la dangerosité du virus dans la population, et la hausse des comportements sociaux et médicaux permettant de prévenir la propagation. Les auteurs estiment que les cas identifiés auraient alors représenté entre 62 % et 73 % de toutes les infections, et que le taux de reproduction R0 aurait chuté entre 0,8 et 1,3. Ces mesures auraient donc été très efficaces, mais les auteurs jugent difficile d’estimer leur temps d’application nécessaire pour éliminer complètement la maladie à une échelle locale, et prévenir sa réapparition lors d’une seconde épidémie.
Ces résultats soulignent l’importance de l’identification d’un maximum de cas, y compris non symptomatiques, dans le contrôle de l’épidémie. Le fait de ralentir la propagation par des gestes barrières, des protections médicales, et de la distanciation sociale, permet également de réduire le nombre total de cas, et donc d’augmenter les chances de détecter les cas existants, à ressources et efforts d’identification constants.
Article original
Auteurs
Ruiyun Li, Sen Pei, Bin Chen, Yimeng Song, Tao Zhang, Wan Yang, Jeffrey Shaman